L'anti-somnambulique
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Cours de philo      

Le concept et sa logique


    La philosophie est, avec la science, le moyen de rendre compte de la réalité par un discours rationnel. Mais comment le discours rationnel va-t-il saisir cette "réalité"? La forme logique ne suffit pas (elle peut très bien opérer sur des mots qui n'ont aucun sens).
    Ce qui va permettre de saisir la réalité, c'est le concept.
    Qu'est-ce que le concept ? Quelles sont les règles de sa bonne mise en œuvre ?

I. Nature du concept

1.1 C'est un objet mental. Son milieu, c'est l'esprit humain. Il n'est ni matériel (même s'il est exprimé à travers une forme matérielle, le mot), ni affectif.

1.2 Le concept n'est pas une image de la réalité perçue.

1.3 Le concept n'est pas simplement le mot en tant qu'unité signifiante du langage. Le simple mot se reconnaît spontanément, induit un comportement utilitaire, possède une charge affective et une certaine aura d'imaginaire. Tous ces caractères sont subjectifs ; or, la mission rationnelle du concept exige qu'il soit de part en part objectif.

1.4 Toute la valeur d'un concept est donnée par sa définition. La définition est un discours rationnel qui enchaîne des concepts plus clairs que le concept qu'il explicite. Une bonne définition ne doit s'appliquer qu'au seul défini et à tout le défini. Elle ne doit jamais contenir le terme à définir, mais déterminer son genre prochain par sa différence spécifique. Ex: HOMME - animal (G.P.) raisonnable (D.S.)

1.5 Tout concept appelle donc d'autres concepts sur lesquels il se fonde. Les concepts font donc système entre eux.

1.6 Il est clair que la transparence des concepts ne peut être poursuivie jusqu'au bout car les définitions doivent bien s'arrêter à un moment sur des concepts-limite que l'on ne peut définir. On doit faire appel alors à l'intuition ce qui remet en jeu le subjectif.

    Si donc, de droit, il est impossible de faire acquérir au discours rationnel une objectivité totale, il est néanmoins fort intéressant de saisir ce mouvement de l'esprit humain qui conceptualise.

II. Qu'est-ce que conceptualiser ?

2.1 Conceptualiser, c'est abstraire. Le concret, c'est la réalité telle qu'on la rencontre parce qu'elle nous intéresse. Abstraire c'est briser cette réalité trop attachante pour en tirer les caractères pertinents qui permettent de passer du particulier au général.
    C'est la perte d'un certain plaisir lié à notre rapport naïf au monde.
    C'est le gain d'une certaine maîtrise de ce monde.

2.2 Conceptualiser est un acte intersubjectif : il exprime une relation fondamentale entre les individus. Le concept est tout entier dans l'élément du langage ; son caractère essentiel est sa communicabilité. C'est le mot du langage en tant que voué au Logos, i.e. à un discours rendu rigoureux par les contraintes de la logique. C'est un effort pour évacuer des mots leur charge de subjectivité, afin de les rendre transparents pour qu'ils puissent effectivement permettre de réaliser ce discours sur lequel tout le monde puisse être d'accord.

III. La logique du concept

3.1 Qualités du concept

3.1.1 Clarté. Un concept est clair lorsqu'il suffit pour reconnaître la réalité qu'il désigne. Dans le cas contraire il est obscur. Le concept de "couleur" est clair pour un voyant, obscur pour un aveugle-né ; mais si cet aveugle fait de la science physique, il peut acquérir un concept clair de la couleur dans le cadre de la théorie électromagnétique.

3.1.2 Distinction. Un concept est distinct si je puis énumérer suffisamment de caractères pour distinguer la réalité qu'il désigne de toute autre réalité. Dans le cas contraire il est confus. Le concept de couleur "bleue", quoique clair pour tout un chacun, est confus, nul ne pouvant préciser les caractères qui lui, permettent de passer de la dénomination "bleu" à la dénomination "indigo".

3.2 Dimensions du concept

3.2.1 Extension. C'est la quantité de réalité à laquelle le concept se rapporte. Par ex. le concept "animal" a une plus grande extension que le concept "oiseau".

3.2.2 Compréhension. C'est l'ensemble des propriétés qui donnent son contenu à un concept. Elle varie en fonction inverse de l'extension. Par ex. le concept "oiseau" a une compréhension plus grande que le concept "animal".(on peut énumérer plus de propriétés à son sujet).

3.3 Quantification du concept

Il s'agit de la détermination, pour les besoins du raisonnement, de l'extension du concept.

* Universel : le concept est pris dans la totalité de son extension. Par ex. Tout homme est mortel.

* Particulier : le concept est pris dans une partie seulement de son extension. Par ex. quelques hommes sont chauves.

* Singulier : le concept ne désigne qu'un seul individu. Par ex. L'homme nommé Socrate est mort en 399 avant J.C.

IV. La logique du jugement

    Juger, c'est poser une relation entre des concepts. Tout jugement peut en conséquence se réduire à l'attribution d'un concept-prédicat à un concept-sujet par l'intermédiaire de la copule "est".
Par ex. "le soleil se couche" devient "le soleil est se couchant"
SUJET             PREDICAT

4.1 Le jugement selon la forme

4.1.1 Les jugements varient selon la forme de la relation qu'ils établissent entre les concepts. Celle-ci peut être soit :

* Catégorique quand on affirme ou nie simplement un rapport entre deux concepts. Par ex: Le temps, c'est de l'argent.

* Hypothétique quand on établit un rapport entre deux propositions tel que si l'une est vraie, l'autre l'est aussi. Par ex. Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer.

* Disjonctif quand on pose une alternative entre deux jugements. Par ex. Le suicide manifeste soit la plus grande liberté, soit la plus grande servitude.

4.1.2 Les jugements varient selon la modalité suivant laquelle est exprimé le jugement. Celui-ci peut-être :

* Problématique quand il est conçu par l'esprit comme simplement possible. Par ex. Peut-être Dieu existe-t-il.

* Assertorique quand la relation est considérée comme réelle. Par ex. Les hommes ont besoin de croire.

* Apodictique quand la relation est considérée comme nécessaire. Par ex. deux plus deux font quatre.

4.2 Le jugement selon la quantité

Suivant l'extension dans laquelle est prise le concept-sujet, le jugement peut être soit universel, soit particulier, soit singulier. Cf § 3.3. Du point de vue logique, le jugement singulier se comporte comme un jugement universel.

4.3 Le jugement selon la qualité

Un jugement est soit affirmatif, soit négatif.

4.4 Le jugement selon le sens

4.4.1 Le jugement analytique. C'est le jugement en lequel le prédicat fait partie de la compréhension du concept-sujet. cf § 3.2.2. Le jugement n'ajoute alors rien au concept du sujet qu'il ne fait qu'expliciter par analyse. Par ex. Tous les corps sont étendus.

4.4.2 Le jugement synthétique. C'est le jugement en lequel le prédicat ne fait pas partie de la compréhension du sujet. Le jugement ajoute donc au sujet une connaissance qui n'était pas pensée en lui. Par ex. Les corps sont pesants.
    Comment légitimer cette extension de connaissance ? Il faut un nouveau point d'appui ; c'est l'expérience.

IV. Les catégories

    Ce sont un ensemble de concepts qualifiés de purs, c'est-à-dire étant totalement indépendants de l'expérience. Ils sont comme les outils que notre esprit a déjà à sa disposition avant de rencontrer l'expérience et qui lui permettent de recevoir et de donner sens à celle-ci. Kant dénombrait douze catégories.

TABLE DES CATEGORIES SELON KANT
 
 
1. de la QUANTITÉ :
Unité
Pluralité
Totalité
 
2. de la QUALITÉ :
Réalité
Négation
Limitation
 
3. de la RELATION :
Inhérence
Causalité
Communauté
 
4. de la MODALITÉ :
Possibilité
Existence
Nécessité
 

V. Le raisonnement

    C'est un enchaînement ordonné de jugements tel que les uns étant posés comme prémisses, les autres sont déduits comme conséquences ou conclusions.
    Le syllogisme est un raisonnement élémentaire à trois jugements. A partir de deux prémisses, la majeure et la mineure, il permet de déduire une conclusion.

majeure: Tout homme est mortel
mineure : Or Socrate est homme
conclusion : Donc Socrate est mortel

    Une conclusion est valide lorsque le raisonnement qui l'établit est conforme aux règles de la logique. La validité est indépendante du contenu des concepts. Une conclusion est vraie lorsqu'elle est conforme à la réalité. Pour en juger, il faut tenir compte aussi du contenu des concepts.
    Une théorie est un ensemble bien construit de propositions (ou jugements) embrassant un champ de réalité déterminé.

m'écrire    PJ Dessertine,  1998