Programme de philosophie
en classe de terminale
des séries générales
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Arrêté
du 27 mai 2003, JO du 6 juin 2003
Cf. BO n°25 du 19
juin 2003
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Article 1
- Le programme de l’enseignement de la philosophie en
classe terminale des séries générales est fixé conformément à l’annexe du
présent arrêté.
Article 2 - Ce programme entre en vigueur à compter de la rentrée scolaire
2003-2004.
Article 3 - Le directeur de l’enseignement scolaire est chargé de l’exécution du
présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République
française.
Fait à Paris,
le 27 mai 2003
Pour le ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et
de la recherche
et par délégation,
Le directeur de l’enseignement
scolaire
Jean-Paul de GAUDEMAR
Annexe
PROGRAMME D’ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE EN CLASSE TERMINALE DES SÉRIES GÉNÉRALES
I - Présentation
I.1
L’enseignement de la philosophie en classes terminales
a pour objectif de favoriser l’accès de chaque élève à l’exercice réfléchi du
jugement, et de lui offrir une culture philosophique initiale. Ces deux
finalités sont substantiellement unies. Une culture n’est proprement
philosophique que dans la mesure où elle se trouve constamment investie dans la
position des problèmes et dans l’essai méthodique de leurs formulations et de
leurs solutions possibles ; l’exercice du jugement n’a de valeur que pour autant
qu’il s’applique à des contenus déterminés et qu’il est éclairé par les acquis
de la culture.
La culture philosophique à acquérir durant l’année de
terminale repose elle-même sur la formation scolaire antérieure, dont
l’enseignement de la philosophie mobilise de nombreux éléments, notamment pour
la maîtrise de l’expression et de l’argumentation, la culture littéraire et
artistique, les savoirs scientifiques et la connaissance de l’histoire. Ouvert
aux acquis des autres disciplines, cet enseignement vise dans l’ensemble de ses
démarches à développer chez les élèves l’aptitude à l’analyse, le goût des
notions exactes et le sens de la responsabilité intellectuelle. Il contribue
ainsi à former des esprits autonomes, avertis de la complexité du réel et
capables de mettre en œuvre une conscience critique du monde
contemporain.
Dispensé durant une seule année, à la fin du cycle secondaire,
et sanctionné par les épreuves d’un examen national, l’enseignement de la
philosophie en classes terminales présente un caractère élémentaire qui exclut
par principe une visée encyclopédique. Il ne saurait être question d’examiner
dans l’espace d’une année scolaire tous les problèmes philosophiques que l’on
peut légitimement poser, ou qui se posent de quelque manière à chaque homme sur
lui-même, sur le monde, sur la société, etc. Il ne peut pas non plus s’agir de
parcourir toutes les étapes de l’histoire de la philosophie, ni de répertorier
toutes les orientations doctrinales qui s’y sont élaborées. Il convient donc
d’indiquer clairement à la fois les thèmes sur lesquels porte l’enseignement et
les compétences que les élèves doivent acquérir pour maîtriser et exploiter ce
qu’ils ont appris. Le programme délimite ainsi le champ d’étude commun aux
élèves de chaque série.
I.2 Dans les classes terminales conduisant aux baccalauréats des séries
générales, le programme se compose d’une liste de notions et d’une liste
d’auteurs. Les notions définissent les champs de problèmes abordés dans
l’enseignement, et les auteurs fournissent les textes, en nombre limité, qui
font l’objet d’une étude suivie.
Ces deux éléments seront traités
conjointement, de manière à respecter l’unité et la cohérence du programme.
C’est dans leur étude que seront acquises et développées les compétences
définies au titre III ci-dessous. Les notions peuvent être interrogées à la
faveur du commentaire d’une œuvre ; le commentaire d’une œuvre peut à son tour
être développé à partir d’une interrogation sur une notion ou sur un ensemble de
notions, qu’il permet aussi d’appréhender dans certains moments historiques et
culturels de leur élaboration. Le professeur déterminera la démarche qui lui
paraîtra le mieux correspondre aux exigences de son cours et aux besoins de ses
élèves.
La liste des notions et celle des auteurs ne proposent pas un champ
indéterminé de sujets de débats ouverts et extensibles à volonté. Elles
n’imposent pas non plus un inventaire supposé complet de thèmes d’étude que
l’élève pourrait maîtriser du dehors par l’acquisition de connaissances
spéciales, soit en histoire de la philosophie, soit en tout autre domaine du
savoir. Elles déterminent un cadre pour l’apprentissage de la réflexion
philosophique, fondé sur l’acquisition de connaissances rationnelles et
l’appropriation du sens des textes.
II.1 Notions et repères
Le choix d’un
nombre restreint de notions n’a d’autre principe que d’identifier les plus
communes et les mieux partagées. Les notions retenues doivent constituer un
ensemble suffisamment cohérent et homogène pour que leur traitement fasse
toujours ressortir leurs liens organiques de dépendance et d’association. En
outre, la spécification des listes de notions propres au programme de chaque
série tient compte non seulement de l’horaire dévolu à l’enseignement de la
philosophie, mais aussi des connaissances acquises par les élèves dans les
autres disciplines. Enfin, l’intelligence et le traitement des problèmes que les
notions permettent de poser doivent être guidés par un certain nombre de repères
explicites.
II.1.1
Notions
Dans toutes les séries, la liste des
notions s’articule à partir de cinq champs de problèmes, eux-mêmes désignés par
des notions, isolées ou couplées, qui orientent les directions fondamentales de
la recherche. Ces cinq notions ou couples de notions occupent la première
colonne des tableaux ci-après.
La deuxième colonne présente les principales
notions, isolées ou couplées, dont le traitement permet de spécifier et de
déterminer, par les relations qu’il établit entre elles, les problèmes
correspondant à ces divers champs.
La présentation de certaines notions en
couple n’implique aucune orientation doctrinale définie. De même que la mise en
correspondance des notions de la deuxième colonne à celles de la première, elle
vise uniquement à définir une priorité dans l’ordre des problèmes que ces
notions permettent de formuler.
Les notions figurant dans l’une et l’autre
colonnes ne constituent pas nécessairement, dans l’économie du cours élaboré par
le professeur, des têtes de chapitre. L’ordre dans lequel les notions sont
abordées et leur articulation avec l’étude des œuvres relèvent de la liberté
philosophique et de la responsabilité du professeur, pourvu que toutes soient
examinées. Le professeur mettra en évidence la complémentarité des traitements
dont une même notion aura pu être l’objet dans des moments distincts de son
enseignement.
II.1.2
Repères
L’étude méthodique des notions est
précisée et enrichie par des repères auxquels le professeur fait référence dans
la conduite de son enseignement. Il y a lieu de les formuler explicitement, pour
en faciliter l’appropriation par les élèves. Ceux dont l’usage est le plus
constant et le plus formateur sont répertoriés, par ordre alphabétique, sous
chaque tableau.
Chacun de ces repères présente deux caractéristiques : il
s’agit, d’une part, de distinctions lexicales opératoires en philosophie, dont
la reconnaissance précise est supposée par la pratique et la mise en forme d’une
pensée rigoureuse, et, d’autre part, de distinctions conceptuelles accréditées
dans la tradition et, à ce titre, constitutives d’une culture philosophique
élémentaire.
Les distinctions ainsi spécifiées présentent un caractère
opératoire et, à des degrés variables, transversal, qui permet de les mobiliser
progressivement, en relation avec l’examen des notions et l’étude des œuvres,
ainsi que dans les divers exercices proposés aux élèves. Par exemple, la
distinction cause/fin peut être impliquée dans l’examen des notions de vérité,
d’histoire, de liberté, d’interprétation, de vivant, ou la distinction
idéal/réel peut intervenir dans celui des notions d’art, de religion, de
liberté, de bonheur, etc.
C’est aussi pourquoi ces repères ne feront en aucun
cas l’objet d’un enseignement séparé ni ne constitueront des parties de cours ;
le professeur déterminera à quelles occasions et dans quels contextes il en fera
le mieux acquérir par les élèves l’usage pertinent, qui ne saurait se réduire à
un apprentissage mécanique de définitions.
Les sujets donnés à l’épreuve
écrite du baccalauréat porteront sur les notions (colonnes 1 et 2) et sur les
problèmes qu’elles permettent de poser (l’un des sujets le faisant au travers
d’une explication de texte). La structure du programme autorise que ces sujets
puissent recouper divers champs, pourvu qu’ils présentent un caractère
élémentaire et qu’au moins une des notions du programme soit clairement
identifiable par l’élève dans leur formulation. Ils ne prendront pas directement
pour objet les distinctions figurant dans la liste des repères (ce qui n’exclut
pas, bien entendu, qu’elles soient utilisées dans leur formulation) ; la
maîtrise de ces distinctions permettra au candidat de mieux comprendre le sens
et la portée d’un problème et de construire sa réflexion pour le
traiter.
II.1.3 Série littéraire
Notions : | |
Le sujet |
- La
conscience |
La culture |
- Le
langage |
La raison et le réel |
- Théorie
et expérience |
La politique |
- La
société |
La morale |
- La
liberté |
Repères : | |
Absolu/relatif - Abstrait/concret - En acte/en puissance - Analyse/synthèse - Cause/fin - Contingent/nécessaire/possible - Croire/savoir - Essentiel/accidentel - Expliquer/comprendre - En fait/en droit - Formel/matériel - Genre/espèce/individu - Idéal/réel - Identité/égalité/différence - Intuitif/discursif - Légal/légitime - Médiat/immédiat - Objectif/subjectif - Obligation/contrainte - Origine/fondement - Persuader/convaincre - Ressemblance/analogie - Principe/conséquence - En théorie/en pratique - Transcendant/immanent - Universel/général/particulier/singulier |
II.1.4 Série économique et sociale
Notions : |
|
Le sujet |
- La conscience |
La culture |
- Le langage |
La raison et le réel |
- La démonstration |
La politique |
- La société
et les échanges |
La morale |
- La liberté |
Repères : |
|
Absolu/relatif - Abstrait/concret - En acte/en puissance - Analyse/synthèse - Cause/fin - Contingent/nécessaire/possible - Croire/savoir - Essentiel/accidentel - Expliquer/comprendre - En fait/en droit - Formel/matériel - Genre/espèce/individu - Idéal/réel - Identité/égalité/différence - Intuitif/discursif - Légal/légitime - Médiat/immédiat - Objectif/subjectif - Obligation/contrainte - Origine/fondement - Persuader/convaincre - Ressemblance/analogie - Principe/conséquence - En théorie/en pratique - Transcendant/immanent - Universel/général/particulier/singulier |
II.1.5 Série scientifique
Notions : |
|
Le sujet |
- La conscience |
La culture |
- L’art |
La raison et le réel |
- La démonstration |
La politique |
- La société
et l’État |
La morale |
- La liberté |
Repères : |
|
Absolu/relatif - Abstrait/concret - En acte/en puissance - Analyse/synthèse - Cause/fin - Contingent/nécessaire/possible - Croire/savoir - Essentiel/accidentel - Expliquer/comprendre - En fait/en droit - Formel/matériel - Genre/espèce/individu - Idéal/réel - Identité/égalité/différence - Intuitif/discursif - Légal/légitime - Médiat/immédiat - Objectif/subjectif - Obligation/contrainte - Origine/fondement - Persuader/convaincre - Ressemblance/analogie - Principe/conséquence - En théorie/en pratique - Transcendant/immanent - Universel/général/particulier/singulier |
II.2 Auteurs
L’étude d’œuvres des
auteurs majeurs est un élément constitutif de toute culture philosophique. Il ne
s’agit pas, au travers d’un survol historique, de recueillir une information
factuelle sur des doctrines ou des courants d’idées, mais bien d’enrichir la
réflexion de l’élève sur les problèmes philosophiques par une connaissance
directe de leurs formulations et de leurs développements les plus authentiques.
C’est pourquoi le professeur ne dissociera pas l’explication et le commentaire
des textes du traitement des notions figurant au programme.
Les œuvres seront
obligatoirement choisies parmi celles des auteurs figurant dans la liste
ci-dessous. Deux œuvres au moins seront étudiées en série L, et une au moins
dans les séries ES et S. Ces textes seront présentés par l’élève, le cas
échéant, à l’épreuve orale du baccalauréat.
Dans tous les cas où plusieurs
œuvres seront étudiées, elles seront prises dans des périodes distinctes (la
liste fait apparaître trois périodes : l’Antiquité et le Moyen Âge, la période
moderne, la période contemporaine).
Pour que cette étude soit pleinement
instructive, les œuvres retenues feront l’objet d’un commentaire suivi, soit
dans leur intégralité, soit au travers de parties significatives, pourvu que
celles-ci aient une certaine ampleur, forment un tout et présentent un caractère
de continuité. Bien entendu, le professeur peut aussi utiliser pour les besoins
de son enseignement des extraits d’écrits dont les auteurs ne figurent pas sur
cette liste.
Platon ; Aristote ; Épicure ; Lucrèce ; Sénèque ; Cicéron ;
Épictète ; Marc Aurèle ; Sextus Empiricus ; Plotin ; Augustin ; Averroès ;
Anselme ; Thomas d’Aquin ; Guillaume d’Ockham.
Machiavel ; Montaigne ; Bacon
; Hobbes ; Descartes ; Pascal ; Spinoza ; Locke ; Malebranche ; Leibniz ; Vico ;
Berkeley ; Condillac ; Montesquieu ; Hume ; Rousseau ; Diderot ; Kant.
Hegel
; Schopenhauer ; Tocqueville ; Comte ; Cournot ; Mill ; Kierkegaard ; Marx ;
Nietzsche ; Freud ; Durkheim ; Husserl ; Bergson ; Alain ; Russell ; Bachelard ;
Heidegger ; Wittgenstein ; Popper ; Sartre ; Arendt ; Merleau-Ponty ; Levinas ;
Foucault.
III - Apprentissage de la réflexion philosophique
Les formes de discours
écrit les plus appropriées pour évaluer le travail des élèves en philosophie
sont la dissertation et l’explication de texte.
La dissertation est l’étude méthodique et progressive des diverses dimensions
d’une question donnée. À partir d’une première définition de l’intérêt de cette
question et de la formulation du ou des problèmes qui s’y trouvent impliqués,
l’élève développe une analyse suivie et cohérente correspondant à ces problèmes,
analyse nourrie d’exemples et mobilisant avec le discernement nécessaire les
connaissances et les instruments conceptuels à sa disposition.
L’explication s’attache à dégager les enjeux philosophiques et la démarche caractéristique
d’un texte de longueur restreinte. En interrogeant de manière systématique la
lettre de ce texte, elle précise le sens et la fonction conceptuelle des termes
employés, met en évidence les éléments implicites du propos et décompose les
moments de l’argumentation, sans jamais séparer l’analyse formelle d’un souci
de compréhension de fond, portant sur le problème traité et sur l’intérêt philosophique
de la position construite et assumée par l’auteur.
Dissertation et explication de texte sont deux exercices complets, qui reposent
d’abord sur l’acquisition d’un certain nombre de normes générales du travail
intellectuel, telles que l’obligation d’exprimer ses idées sous la forme la
plus simple et la plus nuancée possible, celle de n’introduire que des termes
dont on est en mesure de justifier l’emploi, celle de préciser parmi les sens
d’un mot celui qui est pertinent pour le raisonnement que l’on conduit, etc.
Les deux exercices permettent de former et de vérifier l’aptitude de l’élève
à utiliser les concepts élaborés et les réflexions développées, ainsi qu’à transposer
dans un travail philosophique personnel et vivant les connaissances acquises
par l’étude des notions et des œuvres. La maîtrise des distinctions contenues
dans la liste des repères (II.1.2) aide l’élève à analyser et à comprendre les
sujets et les textes proposés à la réflexion et à construire un propos conceptuellement
organisé.
Les exigences associées à ces exercices, tels qu’ils sont proposés et enseignés
en classe terminale, ne portent donc ni sur des règles purement formelles, ni
sur la démonstration d’une culture et d’une capacité intellectuelle hors de
portée. Elles se ramènent aux conditions élémentaires de la réflexion, et à
la demande faite à l’élève d’assumer de manière personnelle et entière la responsabilité
de la construction et du détail de son propos. Les capacités à mobiliser reposent
largement sur les acquis de la formation scolaire antérieure : elles consistent
principalement à introduire à un problème, à mener ou analyser un raisonnement,
à apprécier la valeur d’un argument, à exposer et discuter une thèse pertinente
par rapport à un problème bien défini, à rechercher un exemple illustrant un
concept ou une difficulté, à établir ou restituer une transition entre deux
idées, à élaborer une conclusion. Elles sont régulièrement développées et vérifiées
au cours de l’année scolaire, que ce soit sous forme écrite ou sous forme orale,
dans le cadre de devoirs complets ou d’exercices préparatoires correspondant
particulièrement à l’une ou l’autre d’entre elles.
Il n’y a pas lieu de fournir une liste exhaustive des démarches propres au travail
philosophique, ni par conséquent une définition limitative des conditions méthodologiques
de leur assimilation. Le professeur doit lui-même donner dans l’agencement de
son cours l’exemple de ces diverses démarches, exemple dont l’élève pourra s’inspirer
dans les développements qu’il aura à construire et dans l’approche des textes
qu’il aura à expliquer. Il lui revient en même temps d’en faire percevoir le
bénéfice aux élèves, non seulement pour l’amélioration de leurs résultats scolaires,
mais plus généralement, pour la maîtrise de leur propre pensée et pour son expression
la plus claire et convaincante.