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L'anti-somnambulique | ![]() Retour à l'accueil |
Devoirs corrigés |
- Le déclin du sentiment religieux a été diagnostiqué à maintes reprises depuis un siècle. Cf Marx et l'avènement du communisme, Nietzsche et "la mort de Dieu", etc.
- Pourtant la croyance en une parole révélée qui mettrait en scène l'origine du bien et du mal ne semble pas disparaître. Cf la résurgence des sectes. - L'homme peut-il vivre sans mythes ? l. En quel sens l'homme a besoin de mythes1.1 Pour assumer l'impuissance qu'il ne peut que ressentir face à sa vie, l'homme a besoin de se référer à un discours auquel il puisse donner une valeur transcendante; là il puisera les réponses essentielles qui lui permettront de donner un sens à sa vie.«La démarche initiale — et essentielle — de toute pensée n'est pas intellectuelle mais existentielle, c'est-à-dire qu'elle ne vise pas à édifier des constructions spéculatives abstraites, mais à fonder la possibilité de vivre, de vivre d'une façon humaine, en assumant l'échec, la souffrance, la vieillesse, la mort et, d'une façon générale, toutes les contradictions qui déchirent notre existence. Il ne s'agit donc pas d'expliquer le monde et la vie, mais de les justifier, de leur donner un sens, de les rendre tolérables. C'est ce que réalise le mythe, première forme de l'idéal.» Heymann Philosophie Bordas, 1984.1.2 Si de tels discours ne mettent pas toujours en scène un dieu (religion), ils peuvent mettre néanmoins en scène les figures d'un absolu impliquant toujours ce même type d'adhésion irrationnelle qu'on appelle foi. « "Dieu est mort" a proclamé Nietzsche ; mais entre temps, l'homme avait trouvé moyen de sacraliser, selon les cas, l'Histoire, la Nation, la Race, le Prolétariat, la Jeunesse. etc. Il n'est pas prouvé qu'on y ait gagné... »(Heymann ibid.)1-3 En ce sens élargi de la notion de mythe - discours mettant en scène un absolu auquel l'homme adhère de manière irrationnelle - il semble bien que l'homme ne puisse se passer de mythes. Cf R. Barthes dans Mythologies, qui montre la manière par laquelle les mythes s'imposent à travers les médias contemporains. 1.3 Ce constat a quelque chose de scandaleux, il signifie que l'homme aurait une faiblesse insurmontable qui le pousserait à se mettre sous la dépendance de valeurs imaginaires. 2. On peut concevoir que l'homme se passe de mythes. 2.1 L'histoire montre qu'il y a des paramètres psychologiques qui confortent le besoin de mythes. Ce sont dans les époques les plus troublées que les mythes prennent le plus d'importance; ce sont les gens les plus impuissants socialement qui sont le plus touchés. 2.2 On peut concevoir avec Freud le mythe comme une fiction réactualisant de manière idéalisée la relation de l'enfant aux parents, en particuliers au père Dès lors l'adhésion au mythe relèverait d'une attitude infantile, elle serait un refuge pour ne pas devoir affronter la dure réalité du monde (cf Freud. L'Avenir d'une illusion) 2.3 on peut alors envisager, toujours avec Freud, un homme adulte qui aurait surmonté sa peur et serait capable d'assumer ses responsabilités dans le monde au moyen de sa seule raison. 2.4 Quelques rares figures de penseurs, dans l'histoire, pourraient être considérées comme exemplaires de ce qu'est une vie sans mythes: Epicure, Spinoza, Sartre, etc. Pourtant, malgré le soin de ces auteurs de dénoncer toute démission de l'homme dans sa liberté de pensée, ils ont pu être accusés eux-mêmes de croyance irrationnelle. Par ex. Sartre qui a si bien pris soin de disqualifier en théorie le terrain sur lequel se développe la croyance religieuse ("l'existence précède l'essence") a pu être accusé de mythifier l'Histoire. 3. la raison elle-même ouvre à la possibilité du discours mythique. 3.1 La raison ne se soutient pas seule, elle a besoin de s'appuyer sur des principes connus "par le cœur" pour se développer. Cette expression de Pascal signifie une connaissance qui se sent, qui touche le sentiment, mais qui ne se conclut pas, tout en étant aussi certaine qu'une conclusion. 3.2 C'est en contenus imaginaires que l'esprit humain traduit spontanément ce lui touche son sentiment, l'imagination étant le mode d'expression privilégié du désir humain. Dès lors, même lorsqu'il use de sa raison, l'esprit humain est spontanément porté à mettre en scène imaginairement les grands principes qui le guident, c'est-à-dire à mythifier. 3.3 Cependant, l'esprit n'est pas totalement impuissant par rapport à cet état de fait. Comme nous l'avons fait dans les paragraphes précédents, il est capable de prendre du recul par rapport à cette limitation pour la réfléchir rationnellement. La raison - il faut qu'elle en ait le courage - peut avoir le dernier mot sur le mythe.
ConclusionDans une première partie nous avons vu qu'il y avait un besoin de mythe inhérent à la condition humaine. Cependant, nous avons essayé de le montrer dans une seconde partie, cela n'interdit pas d'envisager que l'homme puisse dominer ce besoin pour affronter de manière responsable la réalité. Il lui faut pontant savoir qu'il ne sera jamais définitivement libéré de la tentation mythique, car la possibilité de celle-ci est inscrite dans la limitation même de la raison.Si l'on comprend l'expression "vivre sans mythes" comme l'accession à un état permanent et stable, il faut répondre non, on ne peut vivre sans mythes. Par contre si l'on envisage que cette expression puisse signifier l'aboutissement ponctuel d'une action d'élucidation des mythes qui sans cesse ont tendance à s'imposer, alors on peut répondre oui. Ce que l'on découvre en cette réponse, c'est que la liberté de penser n'est pas essentiellement une affaire d'éducation ou de contexte social favorable, elle est un problème de morale individuelle. "Aie le courage de te servir de ton propre entendement !", ainsi Kant apostrophait-il ses lecteurs. Il est toujours si tentant de s'installer dans les réponses toutes prêtes qu'apportent les mythes. |