L'anti-somnambulique
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Voeux pour le nouveau millénaire

    En ce 1er janvier de l'an 2001, on se sent autorisé à prendre de la hauteur, et à tracer, de façon éhonteusement schématique, une esquisse de l'histoire de l'humain à travers les derniers millénaires.

   L'antépénultième millénaire (- 1000 à 0) pourrait être considéré comme le millénaire du dégel : l'humain n'est plus essentiellement pris dans les glaces du rapport de force. La fluidité de la raison s'insinue de plus en plus dans les rapports sociaux. Nous pensons pouvoir dire qu'en ce millénaire, ce fut le sage qui orienta, en fin de compte, le courant de l'histoire humaine.

   Pour le pénultième millénaire (1 à 1000), il semble que le cours de l'histoire ait été finalement informé par la quête de l'au-delà. Ce fut le millénaire du mystique.

   Quant au millénaire que nous venons de quitter, il est celui où la logique de l'échange marchand a toujours plus largement et profondément informé les sociétés, ce fut bien le millénaire du marchand.

   Vers quelles contrées nouvelles de l'humanité ce nouveau millénaire va-t-il nous entraîner ?

   Car l'actuel éclatant triomphe du marchand est peut-être bien le signe de son proche effondrement, dans la mesure même où il secrète de nouvelles contradictions insurmontables.
Nous pensons au contradictions :

  • sociale : ce n'est plus le prolétariat, ce sont les exclus, les superflus, irrémédiablement écartés des flux d'échanges, qui sont la vraie menace pour le capitalisme.
  • écologique : il y a nécessité criante d'une législation mondiale contraignante (par exemple contre le réchauffement), que les marchands, les yeux rivés sur leurs problèmes de compétition, semblent incapables de se donner.
  • sanitaire : la diffusion du VIH, du prion de l'EBS, et autres micro-organismes pathogènes inédits et au comportement aléatoire, est liée au fonctionnement de la société de consommation.
  • culturelle : le capitalisme en son stade actuel produit un profil culturel humain, assez proche de ce qu'on reconnaissait naguère comme la barbarie, qui est la négation de ce qui est culturellement requis pour que les hommes entrent dans une aire d'échanges commerciaux.

   Que le désir de lucidité se porte haut et se communique. Que la flamme de la pensée s'entretienne et se propage ; qu'elle soit portée partout où des intérêts particuliers s'occupent à flatter les désirs régressifs ; qu'elle aiguillonne et réveille le somnambule, afin que l'action ne soit pas la poursuite d'un fantasme présent, mais s'inscrive dans un avenir pensé.

   Que la lucidité soit suffisante pour que la crise ouverte de notre civilisation, dont les conditions se mettent en place actuellement, ne se concrétise ni en catastrophe écologique ou sanitaire majeure, ni en violence généralisée et incontrôlable, qui feraient baisser de manière brutale et drastique, laborieusement remédiable, la puissance d'agir humaine.

   Qu'enfin la démocratie se pratique.

   Que la définition à venir de l'homme de bien soit immanente au débat démocratique.

Bon nouveau millénaire à l'aventure humaine !

PJ Dessertine